J’ai la chance d’être photographe et en même temps galeriste et d’être marié à une modèle nue. La galerie que je gère avec mon épouse, Annick, est dédiée exclusivement à la promotion de l’image de la féminité au travers des arts.
Premier principe : on ne sélectionne pas les artistes et encore moins les œuvres qu’ils désirent proposer au public. Nous demandons simplement de s’abstenir de tout ce qui est pornographique, vulgaire et insultant pour l’image de la femme. Comme tout ce qui pourrait avoir un caractère raciste et xénophobe.
Nous estimons, Annick et moi, qu’il ne nous appartient pas de porter de jugement sur un artiste et ses œuvres à la place de nos visiteurs. Les gens ne sont pas des enfants, ils sont capables d’apporter leur propre appréciation, en bien ou en mal. Nous ne sommes plus à l’école primaire pour indiquer à celles et ceux qui nous rendent visite, si c’est politiquement correct ou non. Qui plus est, les communiqués de presse sont clairs et précis sur le sujet exposé. Donc, chacune et chacun sont libres d’entrer dans la galerie ou non.
Mesure de précaution ? Oui !
Nombre de nos visiteurs viennent avec leurs enfants, de quelques mois à 18 ans. Lorsque l’exposition a un caractère un peu plus érotique ou fétichiste que d’habitude, on le signale dès l’entrée de la galerie et Annick et moi, nous occupons des enfants pendant que les parents visitent l’expo.
Les adolescents ?
Arrêtons l’hypocrisie ! C’est quoi un adolescent ? Un jeune ignorant incapable d’analyser et de comprendre la société dans laquelle il vit ?
Non, il est souvent plus ouvert que certains adultes sur les réalités de notre société d’aujourd’hui.
Il surfe sur Internet à longueur de journée, là, où, même lorsqu’il ne le souhaite pas, on le bombarde d’images pornographiques, de films pornographiques.
Il suffit de voir la couverture des magazines spécialisés pour les ados pour comprendre que la sexualité est omniprésente à l’intérieur.
Faut-il, osons l’écrire, visionner les clips des chanteuses vedettes des jeunes pour se rendre compte que le sexe est omniprésent et jeté en pâture à toutes heures de la journée.
La sexualité pour les jeunes, parfois très jeunes, n’est donc pas une inconnue.
Ils la découvrent, l’expérimentent. Ils en discutent, heureusement, à l’école, même au cours de religion catholique !
Et arrêtons l’hypocrisie ! Nous-mêmes, lorsque nous étions adolescents, abordions la sexualité dans un monde où la violence était moins présente, où la drogue était absente. Mais, la sexualité était un tabou indécent qui nous obligeait à chercher les réponses d’une manière détournée.
Et soulignons pour la forme, qu’en Belgique, la majorité sexuelle est à 16 ans, …
Dès lors, un photographe n’est rien d’autre que quelqu’un qui immortalise sur papier sa vision du monde qui l’entoure selon son ressenti intérieur ! Sa sensibilité face aux choses de la vie.
Depuis mon plus jeune âge, je me passionne pour la photographie à caractère humain, ce que certains appellent la photographie de proximité. Je n’ai jamais fermé les yeux sur quoi que ce soit, je les ai toujours gardé ouverts ne laissant à personne le droit de m’imposer un jugement sur ceci ou cela !
Depuis l’âge de 17 ans, donc dès mon adolescence, j’aborde en photographie le nu féminin sous toutes ses facettes, non en faussant le jeu par des mises en scène mais en faisant un arrêt sur image sur des moments de vie.
Mon appareil photographique est dès lors le témoin de ce que je vois, de ce que je ressens, de ce que je vis. La manière de prendre la photographie est l’expression de mes sentiments, de mes sensations.
En 37 ans de photographie sur la féminité, j’ai traité des sujets sensibles en laissant toujours mon « modèle » librement s’exprimer. En refusant de me mettre des menottes ou des œillères face aux réalités de la féminité. Et j’assume pleinement ma démarche en exposant mes photos sans m’autocensurer.
Dès lors, ne pas assumer sa démarche en interdisant aux moins de 18 ans le droit de visiter une exposition est, tout simplement, un manque de responsabilité de ses actes, j’ose le dire, de la lâcheté, de l’hypocrisie, sauf SI !
Sauf si, par cette démarche, la Mairie de Paris cherche à faire un coup de pub pour attirer les voyeuristes plutôt que les vrais amateurs de belles photos. La polémique fait que l’on parle de l’événement là où l’absence d’interdiction, d’autocensure l’aurait peut-être fait passer sous silence.
Aujourd’hui, c’est devenu une mode : on censure, on le crie bien fort et tous les sensationnalistes de tous bords rappliquent ! Et bien évidemment, les médias s’en mêlent car cela fait de l’audimat, de la vente. Comme lorsqu’une vedette de quelque nature que ce soit, dévoile « accidentellement » un sein sur les marches du festival de Cannes ou sur scène, entre autres, et que l’on retrouve cette photographie partout dans les médias et sur le net. Comme par hasard. Le pire, c’est que la vedette en question fait l’offusquée, … et que les puritains s’en mêlent.
Je me rappelle dans mon enfance ce carré blanc que l’on plaçait en bas de l’écran pour faire savoir aux parents que ce film n’était pas recommandé aux moins de 18 ans. Pourquoi ? Mes parents étaient-ils incapables de décider si oui ou non, leurs enfants pouvaient regarder un couple qui s’embrassait, un sein qui se dévoilait, …
En interdisant l’entrée de cette exposition aux moins de 18 ans, la Mairie de Paris, organisatrice de l’événement, est, en tout état de cause, passée à côté d’un pouvoir pédagogique fertile plutôt qu’à une censure stérile.
L’interdit, la censure et le silence sont les pierres angulaires des pouvoirs totalitaires. L’excuse de la prévenance contre d’hypothétiques actions d’associations puritaines n’est qu’un leurre grotesque et lâche. Courage, fuyons. Interdire, c’est priver l’autre de voir, de savoir, de s’épanouir par la connaissance.
A cela, je préfère l’ouverture, le dialogue. Laisser les adolescents visiter cette exposition aurait permis à ceux-ci, à leurs parents et enseignants ou autres, d’échanger des points de vue sur le sujet, aurait pu servir de base à une véritable réflexion, à un véritable dialogue sur des sujets qui touchent au quotidien ces jeunes.
Durant mes études en photographie, le dialogue avec les professeurs était permanent sur tous les sujets qui touchent à la photographie. Nous avions l’obligation d’aller voir au moins un film par semaine, d’en faire l’analyse et de venir le présenter aux autres. Tous les genres de film étaient abordés sans censure, sans tabou. C’est là que se gagne l’ouverture d’esprit.
Pour ma part, je pratique le nu féminin en photographie et je l’assume, j’explique ma démarche à ceux qui m’interrogent sur ce sujet. Pour sa part, Annick pose nue et elle l’assume pleinement et n’a aucune difficulté d’en parler avec celles et ceux qui abordent le sujet avec elle. Pour notre part, Annick et moi pratiquons le naturisme depuis des dizaines d’années. Nous ne taisons pas le fait, nous l’assumons totalement et en parlons avec toutes celles et ceux qui nous interrogent à ce sujet.
Mais, n’est-ce pas un président français qui a écrit un jour, dans son livre « L’abeille et l’architecte » : qui a peur de son ombre attend midi pour se lever, pendant ce temps, les autres courent !
La Marie de Paris, sauf si elle a agi par marketing plutôt que par pédagogie, a eu peur de son ombre et laisse courir les hypocrites pourfendeurs de nos libertés individuelles.
La Mairie de Paris a fait preuve de faiblesse en censurant cette exposition par peur des éventuelles réactions de certaines associations plutôt que de les affronter et d’expliquer les bienfaits de sa démarche artistique.
Paris ne serait-elle plus cette ville lumière où l’épanouissement des arts et des lettres était une référence ?
Ici, le photographe Larry Clark se contente, avec réalisme, de nous montrer des réalités du monde. Il ne les a pas inventées. Certaines de ces réalités appartiennent aux adolescents, sans aucun doute. Ils ont donc parfaitement droit de les voir, de les analyser, de les commenter entre eux et aussi et surtout, avec les adultes.
J’ai toujours préféré la lumière à l’obscurité. J’ai toujours préféré la porte ouverte au trou de serrure. J’ai toujours préféré le dialogue au silence. J’ai toujours préféré la liberté d’expression à la censure. J’ai toujours privilégié l’épanouissement à l’avilissement. J’ai toujours préféré la connaissance à l’ignorance.
Se voiler la face, c’est se mentir, se censurer mais c’est une démarche personnelle. Mais appartient-il à la Mairie de Paris ou à d’autres organisateurs d’expositions, de voiler la face des gens à leur place ?
Alors, coup de pub, dérive autoritaire ou incapacité d’assumer ses actes ?
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